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lundi 4 juillet 2011

Yagg aime Bastille Shibuya




Bastille-Shibuya: Emmenée par Franck Joucla Castillo, la Bastille se mobilise pour le Japon
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Initié par Franck Joucla Castillo, le projet Bastille-Shibuya, dont Yagg est partenaire, a pour vocation de jumeler deux quartiers qui se ressemblent, de récolter des fonds pour venir en aide au Japon tout en réanimant la vie de quartier au travers de ses petits commerçants. Interview de Franck Joucla Castillo.

Comment est né ce projet? L’idée de ce projet m’est venue dès qu’il y a eu les catastrophes du tsunami et du nucléaire au Japon. Je m’étais déjà rendu au Japon en 1992 dans le cadre d’une conférence internationale de lutte contre le sida. J’y avais formé des ONG pendant 3 semaines sur la prévention contre le VIH. En 1992, il y avait encore une non-visibilité de l’épidémie et une grande discrimination des porteurs du virus au Japon. J’ai été bouleversé par ce pays dans lequel j’ai été complètement «lost in translation» et j’ai rapidement ressenti le désir de travailler avec le Japon.

Quand les catastrophes se sont produites, j’ai tout de suite voulu faire une action, mais qui ne soit pas une simple collecte de fond. Je voulais respecter l’esprit du Japon et des Japonais, qui, au vu des lourdes conséquences des catastrophes qu’ils ont subies, acceptent volontiers l’aide internationale, mais ne veulent pas que l’on vienne faire leur travail à leur place. Ils ont très mal pris le fait que les Français aient envoyé une mission au Japon par exemple.

J’ai donc décidé de mettre en place un jumelage de quartier qui concernerait plus la vie des gens que les jumelages qui existent actuellement entre certaines villes européennes. J’ai pensé à Shibuya-Bastille car les deux quartiers se ressemblent étonnamment, cela m’avait frappé à Tokyo. Ce sont deux quartiers en forme d’étoile. J’ai donc crée le label «Bastille-Shibuya» avec un logo simple rappelant les couleurs du drapeau japonais. J’espérais vraiment arriver à mobiliser les gens du 11e arrondissement, éviter que ce ne soit qu’une simple vente aux enchères, et montrer que tout un quartier peut se mobiliser pour un pays qui a été touché par une grande catastrophe. De plus, je tenais à passer directement par l’ambassade du Japon à Paris et que tous les chèques soient directement renversés à la Croix rouge du Japon.

Votre projet a trouvé de nombreux partenaires prestigieux (commerces, médias, personnalités). J’ai tout d’abord commencé à mobiliser les gens du passage où je vis, en déposant un petit badge dans leur boite aux lettres pour présenter le projet. Pour les parrains, nous nous sommes adressés à Kenzo Takada, qui a longtemps habité le quartier de Bastille et qui se rend toujours disponible pour tous les mouvements «Hope Japan». Nous lui avons demandé s’il acceptait d’être le parrain de l’événement. Il a immédiatement accepté, et nous a offert un magnifique jeu de carte qu’il a dessiné et dont la boîte, en soie, est à l’effigie des armes de sa famille. C’est un objet rare, il n’en existe que 50 exemplaires dans le monde. Les détails sont très minutieux, les cartes sont recouvertes de feuilles d’or. Cela traduit un univers vraiment magique. Kenzo Takada, voulait donner un objet fait de ses propres mains pour la vente aux enchères. Il nous a également donné une lithographie dédicacée.

La marraine de l’opération au Japon, Tomowy Kawai, est quant à elle une amoureuse du cinéma français très célèbre au Japon pour son bar La Jetée. Je l’ai rencontrée lors de mon séjour au Japon en 1992. Lorsque je me suis adressé à elle pour qu’elle marraine l’événement, elle a tout de suite accepté.

agnès b. participe également. Elle avait directement réagi aux événements et avait déjà créé des t-shirts pour soutenir le Japon. J’ai une amie qui travaille pour elle et s’occupe justement de son marché au Japon. Elle a parlé de mon projet à agnès b., qui a tout de suite tenu à participer.

Nous avons également eu la chance de trouver des partenaires média comme Yagg, Libération, TV5 Monde qui a décidé d’être l’un de nos principaux sponsors et nous avons été contactés par Espace Japon.

Pour la vente aux enchères, les dons sont arrivés des artistes, des commerçants du quartier. Nous avons côte à côte des lots très luxueux et de plus petits lots. Nous avons démarché auprès des commerçants et des artistes, et l’idée c’était vraiment que chacun fasse selon ce qu’il a envie de faire. Je pense que c’est pour cela que ça a marché.

Les choses ont pris une ampleur à laquelle je ne m’attendais pas, j’ai été appelé par le syndicat des commerçants de Beaumarchais qui souhaitait participer à l’opération. C’est vrai que je suis un peu dépassé par les événements. Ça part un peu dans tous les sens, ce qui n’est pas plus mal. Chacun le fera à sa façon. Ce qui m’a plu, c’est le fait de m’être adressé uniquement à des personnes qui ont dit «oui» tout de suite car elles se sentaient totalement concernées. J’ai senti une grande empathie envers le Japon. Les Japonais nous ressemblent, ils viennent d’un pays développé et la peur du nucléaire est devenue très présente dans notre société.

Vous avez dédicacé votre projet à Masami Hayakawa, qui est-ce? C’est un auteur et professeur japonais qui nous a hébergés durant trois semaines au Japon en 1992. C’était un être très fantasque, ouvertement gay et très solidaire. Mais au Japon, si l’homosexualité existe depuis toujours, comme partout, la visibilité des gays est encore problématique. Il s’est donné la mort il y a trois ans et cela m’a touché de dédier l’opération à sa mémoire car il nous a accueillis dans sa maison de Tokyo et nous a fait rencontrer pleins de gens dont la marraine du projet, des groupes de chanteuses dont les membres sont souvent des activistes lesbiennes… Je suis sûr que s’il avait été vivant, il aurait été très impliqué dans le projet.

En quoi consiste l’opération «Les Haikus de Bastille» qui accompagne votre projet? Mon amie Gabrielle Keng Peralt, artiste qui vit dans le 11e arrondissement, m’a proposé de réaliser de petits films dans lesquels les figures du quartier qui participent à l’opérations récitent des haikus. Ce sont donc les haikus de Bastille, et il y en a une dizaine en tout. Cela donne quelque chose de très poétique, et d’assez magique.

Comment peut-on s’impliquer dans votre opération? Je cherche encore des bénévoles pour encadrer le village éphémère qui se tiendra le 2 juillet au square Trousseau, organiser le suivi du kiosque, distribuer des stickers aux commerçants, tracter dans les rues, expliquer à quel point ce projet est important et à quel point la Croix rouge japonaise a besoin d’aide. Tout le monde peut être volontaire, il suffit de m’envoyer un mail via le site.

Sinon mettre des chèques, libellés à l’ordre de l’ambassade du Japon, dans les boîtes à dons présentes dans les boutiques qui participent à l’action. Le périmètre de ces boutiques est le suivant: boulevard Beaumarchais, rue de Charonne, en passant par la rue de la Roquette, Ledru Rollin, Aligre…

Enfin, se rendre le samedi 2 juillet au Square Trousseau (12e arrondissement) pour assister au spectacle de Gujo Odori (danse traditionnelle japonaise du 16e siècle) à 11h, au concert du groupe The Japan Lovers à 17h30, et pour participer à la vente aux enchères, qui aura lieu à 18h.

Vous voulez que cet événement s’inscrive dans la durée et devienne un événement culturel annuel. Est-ce pour cela que vous vous êtes associé à Carré Bastille? L’idée est que le site du projet se transforme pour devenir un véritable site «inter-quartier». Qu’un libraire dans le 11e puisse rencontrer un libraire à Shibuya, qu’ils puissent échanger de personne à personne. Nous souhaitons notamment développer la partie culturelle, qui est un peu pauvre cette année. Le Carré Bastille est une association de travailleurs indépendants, de commerçants, d’entrepreneurs et d’artiste, présidée par Pascale Cohen. Elle défend l’identité du quartier et se bat contre la disparition des commerces de proximité. Et elle a tout de suite accepté de s’associer avec nous, pour montrer à quel point ce quartier est vivant.

Projetez-vous de jumeler d’autres quartiers dans le futur? Le projet Bastille-Shibuya est purement expérimental. Nous allons prendre le temps de développer son site, voir si l’opération faire sens pour le Japon. Je me donne une année pour décider si ce concept de «Q & Q» (quartier et quartier) vaut la peine.

J’aimerais bien faire Marais-Mitte/Prenzlauerberg, à Berlin. Et puis, tout est envisageable, le Panier de Marseille avec le Plateau à Abidjan par exemple. Ce n’est pas tant un dialogue de cultures que je veux mettre en place, mais un dialogue entre les gens. Le label existe, et l’idée est vraiment d’essayer de voir si l’on peut mettre sur pied un grand site qui proposerait des échanges d’appartement, des échanges culinaires, des traductions d’auteur…